Publié le 3 septembre 2025

EVOLUTION DÉMOGRAPHIQUE DE L'IMMIGRATION EN FRANCE

Par Analyse

AVANT-PROPOS

Cette analyse journalistique, suit une approche scientifique et s'appuie sur des données publiques, pour produire des clés de compréhension sur l'évolution démographique de l'immigration en France. Ceci, dans le but de contribuer à une information robuste et transparente, avec l'appui de supports visuels graphiques pédagogiques. Les données de ce travail proviennent du recensement annuel de l'Insee [1-3], des études de l'Insee sur l'immigration dans le Grand Est [5] et en Provence-Alpes Côte d’Azur [8], des données publiques d'Eurostat [4], et des travaux de l'Ined sur l'évolution de la fécondité en France [6,7].

Depuis 2007 une décision du Conseil constitutionnel encadre le traitements de données à caractère personnel et proscrit ceux faisant apparaître les origines raciales ou ethniques des personnes. En revanche la statistique publique peut réaliser des études sur la diversité des origines des personnes, de la discrimination et de l'intégration en se fondant sur des données objectives, comme le nom, l'origine géographique ou la nationalité antérieure à la nationalité française.

CONTEXTE

Le 27 janvier 2025 sur LCI, le premier ministre français emploie le terme de "submersion" migratoire. Quelle réalité derrière cette déclaration ?

Selon la définition de l'Insee un immigré est une personne née étrangère à l'étranger et résidant en France, même si elle a acquis la nationalité française par la suite. Selon Eurostat, sont immigrés les personnes nées à l’étranger y compris française résidant en France. Quant aux étrangers, ce sont des personnes qui ne possèdent pas la nationalité du pays dans lequel elles résident.

Ce graphique présente l'évolution annuelle de la part d'immigrés dans la population depuis 1921 jusqu'en 2023, mesurée par le recensement de l'Insee.
La France a connu trois périodes de hausse de l'immigration depuis le début du XXème siècle.
Au sortir de la 1ère et de la 2ème guerre mondiale, elle fut sollicitée pour pallier un manque de main d’œuvre.
Pour expliquer la troisième période de hausse, plusieurs facteurs entrent en considération : le regroupement familial des immigrés issus des autres périodes d’immigration, l'ouverture des universités françaises aux étudiants internationaux, les crises humanitaires, la convention Schengen entrée en vigueur en 1995 et l'essor du transport aérien.
Il apparaît que depuis l'année 1999, la part des immigrés en France augmente continuellement.
Selon l'Insee en 2023, la population française atteint 69,1 millions
dont 10,7% (7,3 millions) d'immigrés.

Pour mieux comprendre l'évolution de la proportion d'immigrés, il est utile de regarder la contribution de la population immigré et non-immigré à l'accroissement démographique.

COMPRENDRE L'ÉVOLUTION DE LA PART D'IMMIGRÉS

L'accroissement démographique correspond à l'évolution de la taille d'une population d'une année à l'autre. A l'échelle d'un pays cela équivaut à la somme du solde migratoire - entrées moins sorties - et du solde naturel - naissance moins décès.

Ce graphique présente l'évolution annuelle de la part des immigrés dans l'accroissement démographique en France.
La contribution des non-immigrés à l'accroissement démographique, symétrique, apparaît en bleu tandis que la part des immigrés en France est présentée en rose.
Lorsque la part des immigrés dans l'accroissement démographique, en orange, dépasse la part d'immigrés dans le pays, cette dernière augmente l'année qui suit. Si bien qu'en 2017, 44% des nouveaux résidants français sont immigrés, augmentant ainsi de 0.1% la part d'immigrés en France entre 2017 (9.7%) et 2018 (9.8%).
Si la courbe est moyennée sur 5 années comme ci-dessous, alors une tendance haussière est visible, malgré l'effet de la pandémie de Covid-19. La part des non-immigrés dans l'accroissement démographique diminue symétriquement.

Mais alors, d’où vient cette augmentation de la part des immigrés dans l'accroissement démographique ?

INTERPRÉTATION DES OBSERVATIONS

Pour répondre à cette question, il faut analyser cette fois l'évolution des contributions à l'accroissement démographique en valeur absolue (en nombre pas en %).

Ce graphique présente l'évolution annuelle de l'accroissement démographique en France en valeur absolue.
La contribution des immigrés apparait en orange et celle des non-immigrés en bleu. La somme des contribution bleu et orange donne la courbe violette.
Apres un moyennage sur 5 ans, une forte tendance baissière est observée pour la contribution des non-immigrés.
En revanche, la contribution des immigrés apparaît relativement stable dans le temps.
Ce n'est donc pas l'évolution de l'immigration qui explique la hausse de la part d'immigrés dans le temps mais la chute de l’accroissement démographique de la population non-immigrés.

Quelle est la cause de la chute de la contribution des non-immigrés à l'accroissement démographique ?

Pour comprendre cela, l'accroissement démographique peut être étudié à travers l'évolution du solde naturel et migratoire.

Ce graphique présente à nouveau l'évolution annuelle de l'accroissement démographique.
Il peut s'écrire comme la somme du solde naturel et du solde migratoire.
En effet, celui ci connaît une forte baisse depuis 2006 pour plusieurs raisons.
Une augmentation des décès depuis 2006 et une baisse des naissances depuis 2010, sont observées. Ces effets combinés impliquent une baisse rapide du solde naturel.
Il est possible qu'un solde naturel négatif advienne dès 2025. L'Insee a déjà mesuré un solde naturel négatif sur 12 mois glissant jusque mai 2025, pour la première fois depuis 1945. L'augmentation de la population deviendrait alors uniquement le fait du solde migratoire.

La baisse des naissances se mesure grâce à l’indicateur conjoncturel de fécondité (ICF) qui est passé de 2,0 enfants par femme en 2014 à 1,6 en 2024, une baisse de 20% en l'espace de 10 ans. Par ailleurs, l'Ined présâge une continuité dans la tendance baissière [7] puisque le nombre d’enfants souhaités entre 2005 et 2024, a diminué de 0,6 enfant pour les femmes de moins de 30 ans, passant de 2,5 à 1,9.

En ce qui concerne les décès, la structure de la pyramide des âges [1] de la population Française altérée par les deux guerres mondiales, engendre une augmentation des décès due à l'arrivé des générations baby-boom à des âges tardifs. Cela malgré le recul du taux de mortalité lié aux maladies.

Ce graphique présente la pyramide des âges de la population dans la région Grand Est en 2020.
La pyramide des âges des immigrés dans cette même région apparait en orange.
Une surreprésentation des personnes âgées de 15 à 64 ans au sein de la population immigrée est observée.
La part des femmes immigrés en âge de procréer est plus élevée que dans la population.

Selon l'Ined dans l'ensemble de la population en 2017, l'ICF des femmes immigrés est de 2.6 enfants au lieu de 1.8 pour les non-immigrés. Ainsi en 2024, les femmes immigrés ont contribué à 19% des naissances [6]. Par ailleurs, 72% des immigrés sont en âge de travailler pour seulement 59% des non-immigrés [8].

À l’ÉCHELLE EUROPÉENNE

La comparaison au niveau européen [4] de l'évolution du solde migratoire rapporté à la population, montre que la France se situe en dessous de l'Espagne, l'Allemagne, l'Italie, et de la moyenne de l'UE.

Le graphique présenté donne l'évolution du solde migratoire rapporté à la population française entre 2012 et 2023.
A cela viennent s'ajouter les soldes migratoires de pays voisins, ainsi que la moyenne de l'Union Européenne (UE), tous au delà de la France en 2023.
Un moyennage glissant sur 5 ans permet de faire apparaitre les tendances. Pour la France un niveau relativement stable en fonction du temps en comparaison avec d'autres pays de l'UE est observé, tandis qu'il représente la moitié du solde migratoire moyen de l'UE.
Le solde migratoire se traduit en une évolution de la part d'immigrés dans ces même pays comme montré dans ce graphique. Il en ressort une évolution plus lente et un niveau plus bas en 2023 de la part d'immigrés que la moyenne de l'UE.
Sur l'année 2024, la part d'immigrés en France est 1,5 fois inférieure à la part d'immigrés en Allemagne, et inférieur à la moyenne de l'UE.

CONCLUSION

L'augmentation de la part des immigrés dans l'accroissement démographique, se traduit par une augmentation de la part des immigrés dans la population. Cet effet résulte principalement d'une baisse de la contribution des non-immigrés à l'accroissement démographique, tandis que la contribution de l'immigration est stable en comparaison. En effet, le vieillissement des Français engendre un plus grand nombre de décès chaque année et la diminution du nombre d'enfants souhaités, une baisse du nombre de naissances. Ces effets ont pour conséquence un déclin rapide du solde naturel.

Cependant, par la structure de sa pyramide des âges et sa fécondité, l'immigration tend à ralentir la chute du solde naturel - qui pourrait devenir négatif dès 2025 - et à augmenter la part de la population en âge de travailler.

Par ailleurs, depuis l'année 2012, le niveau des flux migratoires et la part d'immigrés dans la population en France évoluent faiblement en comparaison avec les pays voisins, et sont tous deux inférieurs à la moyenne de l'UE.

RÉFÉRENCES

[1] Insee. Population étrangère et immigrée en France, 2025. URL

[2] Insee. L’essentiel sur... les immigrés et les étrangers, 2025. URL

[3] Insee. En 2017, 44 % de la hausse de la population provient des immigrés, 2021. URL

[4] Eurostat. Base de données: Population et conditions sociales, 2025. URL

[5] Insee. Les immigrés davantage présents dans les pôles et aux frontières du Grand Est, 2023. URL

[6] Ined. La France a la plus forte fécondité d’Europe. Est-ce dû aux immigrées ?, 2019. URL

[7] Ined. Les Français·es veulent moins d’enfants, 2025. URL

[8] Insee. Les immigrés plus éloignés de l’emploi, surtout les femmes, 2023. URL